Tant qu’il y aura les eaux stagnantes dans nos villes et villages, le palu sera  présent (Doudou Sène, Coordonnateur PNLP)

Ouestafnews – Le 4 juillet est la journée mondiale de lutte contre le paludisme. Qu’en est-il de la situation de cette maladie au Sénégal ? Interrogé par Ouestaf News en fin avril 2024, Doudou Sène, coordonnateur du Plan national de lutte contre le paludisme (PNLP), indique que la maladie a beaucoup reculé, même s’il existe encore quelques zones à forte prévalence. Il fait aussi un point sur les nouveaux vaccins antipaludisme homologués par l’OMS et que le Sénégal envisage d’autoriser l’inoculation.

Ouestafnews – Où en sommes-nous avec la recherche sur le traitement du paludisme en Afrique ?

Doudou Sène – Au Sénégal, nos partenaires de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar dont le professeur Daouda Ndiaye ont mis en place un test de diagnostic rapide du paludisme. En plus de ce test de diagnostic, les traitements que nous administrons aux patients se sont révélés efficaces.  

Depuis plus de 30 ans, des recherches sont menées pour découvrir un vaccin. C’est seulement en 2021 que le premier vaccin qui semble efficace a été homologué par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Il s’agit de du RTS-S et la Matrix. Ce sont là deux vaccins qui constituent une découverte africaine rendue possible par un partenariat entre le Burkina Faso et l’université anglaise Imperial College London. Ils ont été développés avec une efficacité estimée à 80 %. C’est une première étape.

Plus de deux millions d’enfants ont reçu le vaccin au Kenya, au Malawi et au Ghana. Les tests ont prouvé l’innocuité du vaccin, c’est-à-dire qu’il n’est pas dangereux pour les enfants. Il n’y a eu aucun décès lié à l’administration de ce vaccin et il n’a pas non plus été relevé de cas d’effets secondaires graves. Son efficacité est de 30 % par rapport à la morbidité et de 40 % en termes de réduction des cas graves. C’est donc une avancée significative car les enfants vaccinés sont protégés contre le paludisme pendant au moins trois ans.

Ouestafnews – Après ces tests jugés concluants au Ghana, au Malawi et au Kenya, quels sont les pays ciblés pour élargir l’inoculation de ces vaccins ?

D. S – L’introduction de ces vaccins est en cours dans plusieurs pays africains. Au départ, la quantité de vaccins produits n’était pas suffisante et l’Organisation mondiale de la Santé avait ciblé les pays par priorité. Les pays dits High burden, c’est-à-dire ceux qui ont plus de 20 millions de cas par an, tels que le Burkina Faso, le Mali, le Kenya, le Nigeria étaient désignés comme pays prioritaires.

Maintenant chaque pays a la latitude de revérifier toutes les qualités qui sont reconnues au vaccin avant de l’introduire dans son système de vaccination national. Avec l’objectif de l’élimination du paludisme à l’horizon 2030, ce vaccin est un outil supplémentaire pouvant permettre à l’Afrique de se débarrasser définitivement de cette maladie.

Ouestafnews – Le Sénégal s’est-il engagé à introduire le vaccin ?

D. S – Gavi (Alliance mondiale des vaccins) qui a en charge des vaccins, a demandé aux pays de soumettre leurs besoins en vaccins. Dans ce cadre, le Programme national de lutte contre le paludisme (PNLP) travaille avec la Direction de la prévention du ministère de Santé en charge de la vaccination pour examiner l’admission des vaccins homologués par l’OMS. Il y a une commission pour l’introduction des vaccins dans le pays qui se penche sur la question pour décider de l’introduction ou non de ces vaccins.

Ouestafnews – Comment est-ce qu’on valide un vaccin au Sénégal?

D. S – Pour introduire un vaccin au Sénégal, il faut qu’il soit scientifiquement validé. C’est la Direction de la prévention, à travers une commission indépendante composée de scientifiques parmi lesquels des anthropologues, qui statue sur la base de plusieurs critères permettant de prouver l’efficacité du vaccin et surtout qu’il n’est pas  dangereux. Cette commission évalue également le coût du vaccin pour s’assurer de son accessibilité.

Maintenant, les vaccins n’étant plus gratuits comme avant, malgré l’appui de Gavi qui est en charge de financer souvent l’introduction des vaccins, l’État doit contribuer dans leur acquisition.

Pour ce qui concerne les vaccins anti paludisme,  le Sénégal a exprimé ses besoins dans le cadre du PNLP. La Direction de la prévention est en train de travailler avec la commission qui va se réunir pour décider si oui ou non, le Sénégal pourra bénéficier de ces vaccins d’ici à 2026.

Ouestafnews – Quelle est la situation épidémiologique du paludisme au Sénégal ?

D. S – En Afrique de façon générale, ce sont les rapports de l’Organisation mondiale de la santé qui constituent nos références. Dans son dernier rapport, l’OMS a indiqué que plus de 247 millions de cas de paludisme ont été recensés  dans le monde avec plus de 600.000 décès. Le rapport précise que 90% des malades et des décès dans le monde sont recensés en Afrique subsaharienne. Les pays de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) enregistrent à eux seuls les 50 % des décès notés en Afrique subsaharienne. 

Au Sénégal, l’analyse qui a été faite d’un dernier plan national a montré que le paludisme a beaucoup reculé dans le pays avec une réduction de 20 % par rapport à 2015. Il y a également eu une réduction de 50% en termes de décès.

Toutefois, les dernières statistiques dont nous disposons indiquent que plus de 400.000 cas de paludisme ont été recensés sur l’ensemble du territoire national. Ces 400.000 cas sont inégalement répartis à travers le pays.

Dans les régions de Matam (nord), Saint-Louis (nord), Louga (nord-ouest), une partie de Fatick (centre) et Ziguinchor (sud), l’incidence est au moins cinq cas sur 1.000 habitants.

Les zones intermédiaires dont les incidences sont entre 10 et 15 pour 1.000 habitants sont les régions de Kaolack (centre), Diourbel (centre) et une partie des régions de Fatick (centre) et Sédhiou (sud). 

Les zones ayant des incidences supérieures à 25 cas pour 1.000 habitants sont essentiellement à Kédougou au sud-est du pays. Dans cette même zone, les districts sanitaires de Saraya et de Salémata affichent des incidences pouvant aller jusqu’à 700 cas de paludisme pour 1.000 habitants dans l’année.

Ouestafnews – Va-t-on bientôt en finir avec le paludisme ou reste-t-il encore des années de travail ?

D. S – Le Cap-Vert, un pays voisin du Sénégal, a récemment été certifié comme pays ayant éliminé le paludisme. On peut donc espérer que le Sénégal y arrive lui-aussi. Toutefois, il y a des défis à relever, parce que l’élimination du paludisme n’est pas seulement l’affaire du ministère de la Santé. C’est une approche multisectorielle car le paludisme est fortement lié à l’environnement. Tant que nous n’aurons pas une bonne politique d’assainissement qui élimine les eaux stagnantes dans nos villes et villages, il y aura toujours le risque de présence de cas de paludisme. Il faut l’engagement des collectivités territoriales et des  communautés auprès de l’État. Il faut aussi travailler en synergie avec les pays voisins.

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